ELISA UBERTI
Elisa Uberti, céramiste-designer, crée des objets sculpturaux joyeux et apaisants. Elle affectionne particulièrement les luminaires qu’elle modèle aux colombins avec des argiles laissées nues.
Après une carrière dans la mode, Elisa ressent la nécessité de fabriquer des objets uniques et durables, de revenir à des rythmes de travail plus lents et à des matières authentiques. En reconversion professionnelle, elle se forme 9 mois à la céramique et commence son activité en 2018. Elle crée alors des familles de vases ventrus et des lampes dont les dimensions prennent progressivement de l’ampleur. Tout s'enchaîne très vite pour Elisa qui multiplie les expositions, salons et commandes pour des architectes d’intérieurs.
Rencontre avec une céramiste lumineuse dégageant une énergie positive, à l’image de ses créations.
Elisa m’accueille avec convivialité, et me fait visiter son studio situé aux Ateliers Jourets*, ancien lieu de négoce textile réhabilité en ateliers d’artistes. « Ici, c’est la salle des fours…ma cuisine en quelque sorte ! Les pratiques culinaires et céramiques sont très proches ; on pétrit des pâtes, on étale, on cuit, on fait des mélanges, pour faire des émaux on suit des recettes ! D’ailleurs, je suis fan de vaisselle ! En revanche, en fabriquer en série ne m’amuse pas ; je n’aime pas la reproduction. J’ai besoin de faire des grands formats et d’expérimenter les formes. »
Attachée à sa liberté créative, Elisa s’est engagée dans la création de pièces uniques. Elle a refusé dernièrement une commande d’aménagement d’un hôtel à Dubaï qui lui imposait de reproduire 400 pièces. « Mes objets sont uniques. Je les vends souvent d’après dessins. Mes clients choisissent ainsi sur papier le modèle, déclinable en noir, blanc ou rose. Je cuis le grès en haute ou basse température pour obtenir une plus grande variété de nuances ».
“J’apprécie les terres chamottées qui ont un grain et un rendu brut. Les centaines de petits trous qui perforent la surface de certaines sculptures ne sont pas calibrés et rappellent le temps lent et long de la création artisanale ”
Depuis peu, pour répondre aux besoins d’une clientèle grandissante, Elisa développe des petites séries limitées à une dizaine d’exemplaires maximum. Pour ne pas être prisonnière d’un système sériel, elle refuse tout plan. « Je n’utilise pas de gabarit et je fais les tracés préparatoires à main levée. Je note uniquement les dimensions principales car je dois anticiper la réduction des volumes à la cuisson. Finalement, au sein d’une même série, les céramiques sont toutes différentes ».
*Depuis notre rencontre en juin dernier, Elisa a déménagé à la Teinturerie, toujours à Roubaix, ville dynamique culturellement et dont la mémoire du travail ouvrier et textile est particulièrement vive.
Dans son atelier lumineux s’accumulent des objets de toutes tailles et majoritairement utilitaires : lampes, chaises et tables, fruits de sa collaboration avec le designer Cédric Breisacher. « Je viens des arts appliqués, de la mode, et pour moi l’objet doit avoir une fonction. C’est presque culpabilisant de faire un objet qui n’en a pas ! Ma pratique de la sculpture est confidentielle. Elle me permet de me libérer et de trouver des formes…que je transpose en objets design ensuite ».
S'ils arborent un certain minimalisme, ses objets sont loin d’être austères. « J’aime les couleurs minérales, celles des argiles en fait, comme les beiges, les chair, les noirs. Je traite la surface à la manière d’un enduit naturel et même si cette peau est tendue, la trace de mon geste est encore lisible et pas du tout systématique. J’apprécie les terres chamottées qui ont un grain et un rendu brut. Les centaines de petits trous qui perforent la surface de certaines sculptures ne sont pas calibrés et rappellent le temps lent et long de la création artisanale ».
Elisa m’évoque également sont intérêt pour le travail collaboratif et les défis créatifs stimulants. « Je rêve de partir à l’étranger, en Amérique Latine notamment, pour travailler avec des artisans et des matières locales. J’ai un véritable attrait pour le bois et l’osier. Je me forme depuis quelques mois à la vannerie pour développer de nouvelles formes avec cette technique ».
“La captation du mouvement est une notion qui me fascine.”
En juillet, Elisa a pu concrétiser cette envie en participant à une résidence de création à Florence. A l’initiative de la Galerie Philia et intitulée « Transhumances », cette résidence a permis aux designers invités d’explorer des matériaux locaux, de s'inspirer de l'environnement toscan et d’exposer leurs créations in situ. La lampe Horizon - ci-dessous, marquée par une ligne de force horizontale, fait alors son apparition.
« J'ai créé des objets en terracotta qui sont à la fois des lampes et des contenants pour des plantes. Je me suis inspirée de la vue panoramique que l'on a sur les ponts de Florence, vue où nature et architecture s'entremêlent. »
L’architecture fournit en effet à Elisa un répertoire de formes variées. Les noms qu’elle donne à ses créations en témoignent : « Edifice », « Refuge », « Cocon »,
« Arche ». Elle me parle de Xavier Corbero, sculpteur architecte pour qui la courbe, « moins insultante que l’angle droit et générant par ailleurs une sorte de paix » règne en maître. « Chez Corbero, c’est l’arche qui m’interpelle. Il en était totalement obsédé ». Sur les lampes que me montre Elisa, elle m’explique que la niche lui a été inspirée par les parasites architecturaux de Jean-Louis Chanéac, sortes de cellules polyvalentes pouvant se greffer sur des habitats existants.
“Les oeuvres d’Elisa sont souvent comparées aux célèbres Barbapapas, personnages déformables vivant dans une maison avant-gardiste et qui incarnent des années 70, chères à l’artiste car utopiques, engagées, créatives et tournées vers la nature.”
Au-delà de ces emprunts formels, c’est la notion d’abri protecteur qui habite Elisa. Pas étonnant qu’elle ait mis au point les formes enveloppantes constituant aujourd’hui son vocabulaire alors qu’elle attendait son deuxième enfant ! Antti Lovag ou Pascal Haüsermann, pionniers d’une architecture organique dans les années 70, célèbres pour leurs « maisons bulles », font d’ailleurs figure de référence pour Elisa.
Amusée, elle me confie que l’on compare souvent ses céramiques aux célèbres Barbapapas. Personnages déformables vivant dans une maison avant-gardiste, ils incarnent des années 70 chères à Elisa car utopiques, engagées, créatives et tournées vers la nature.
« La captation du mouvement, c’est une notion qui me fascine également. La technique du colombin me permet de voir la forme se monter au fur et à mesure, lentement. Cette technique que j’adore est parfaitement accordée à mes mains, mon corps, mon rythme et elle m’accompagne dans cette volonté de créer des objets dansants. »
Les volumes ondulants caractérisant le travail d’Elisa semblent se métamorphoser sans cesse, une forme en appelant une autre. Cela impulse un processus créatif dynamique et généreux permettant à Elisa de ressentir probablement la sérénité d’une inspiration intarissable.
Les céramiques d’Elisa sont aujourd’hui sont vendues dans des galeries de design en France et à l’étranger :
Galerie Philia aux Etats-Unis
Gallery 4 All, Geraldine Van Heuverswyn et AM Designs en Belgique
Objets Inanimés en France
Actuellement et dans le cadre d’une exposition organisée par la Galerie Philia, une des chaises en céramique d’Elisa Uberti est exposée à Bièvres dans l'atelier parisien d'Alain Ellouz.
POUR DÉCOUVRIR LE TRAVAIL D’ELISA UBERTI
Article réalisé par Eglantine Merle, plasticienne @le_ruisseau_, enseignante Design & Metiers d'art et rédactrice pour @relief_mag
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